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Gdansk, creuset des contradictions polonaises

Pologne . À l’avant-veille des législatives, les dirigeants politiques ont su opportunément s’intéresser au sort des chantiers navals, dont l’existence depuis août dernier ne tient plus qu’à un fil.

Gdansk, envoyée spéciale.

 

« Et maintenant, les poings en l’air ! » Face à la porte numéro deux, toujours flanquée du drapeau blanc et rouge du syndicat Solidarnosc, une petite dizaine d’ouvriers, casque jaune sur la tête, répond aux injonctions d’une photographe, venue les immortaliser à l’entrée des chantiers navals de Gdansk, au nord de la Pologne sur la Baltique. Pour sauver ce fleuron de l’industrie polonaise de l’époque communiste aujourd’hui en péril, tout compte. Et d’abord le symbole, celui des mythiques grèves de 1980 pour « le pain et la liberté » qui ont ancré le syndicat de Lech Walesa dans l’histoire. Sur la place de la Solidarité, les ouvriers se prêtent au jeu, sans ciller. Il y a vingt ans ils étaient près de 17 000 : aujourd’hui ils ne sont plus que 2 600 à venir chaque jour sur les chantiers où certains des monstres de tôle et d’acier ont commencé à rouiller le long du bras de mer et des immenses bras d’aciers levés vers le ciel, dont les silhouettes imposantes hantent la ville.

Fin juillet, la commissaire européenne à la Concurrence, Neelie Kroes, prenait de front le gouvernement polonais, lui demandant de hâter la restructuration des chantiers, et de réduire de deux tiers leur capacité, sous peine de devoir rembourser les aides publiques, donc de fermer définitivement. En cause : la dette exorbitante des chantiers, qui ont fait les frais dans les années quatre-vingt-dix de nouvelles concurrences asiatiques et, surtout, des privatisations hasardeuses de ces années-là. Après avoir enchaîné deux faillites, le site a finalement été replacé sous tutelle de l’État. La restructuration voulue par la Commission européenne menace « plus de mille emplois, et environs 20 000 chez nos sous-traitants », détaille un membre de la direction de Solidarnosc, depuis son bureau où trône en bonne place la photo de Jean-Paul II. Fin août, une centaine d’ouvriers des chantiers ont donc fait le voyage jusqu’à Bruxelles…

Quelques jours plus tard, la question des chantiers a fait son entrée au Parlement européen, grâce à l’insistance de l’eurodéputé communiste Francis Wurtz qui a reçu les hommages de son pair polonais, le libéral ancien ministre des Affaires étrangères Bronislaw Geremek : « Nous nous opposons à la logique du pragmatisme libéral : oui à l’innovation, à la compétitivité, mais oui à l’attention qu’il faut apporter au sort des personnes qui sont frappées », déclarait ce dernier dans l’hémicycle, alors que la commissaire européenne repoussait le même jour la proposition du gouvernement polonais de reporter à 2014 la restructuration.

Au lendemain du débat parlementaire, la société ISD Polska a annoncé qu’elle était prête à racheter 75 % des chantiers pour 400 millions de zlotys (soit 105 millions d’euros), avec le projet d’acquérir par la suite les 25 % restant. Les négociations sont toujours en cours avec cette filiale du groupe Union industrielle du Donbass, principal rival du magnat Rinat Akhmetov, né comme lui dans la région industrielle de l’est de l’Ukraine. La nouvelle a redonné le sourire à la direction de Solidarnosc fière d’annoncer : « Le groupe Donbass a promis de faire de Gdansk le troisième chantier naval en Europe dans les années à venir : le site fait pleinement partie de son projet d’expansion en Europe, après avoir racheté des aciéries en Silésie, il s’intéresse à nous, c’est très cohérent. » Seule ombre au tableau : les conditions de travail au sein du futur groupe. « Sur ce plan, ISD Polska n’a effectivement pas bonne réputation », reprend un membre du bureau de Solidarnosc qui devait rencontrer les dirigeants du groupe ukrainien jeudi pour des négociations.

À la veille de la campagne pour les législatives anticipées, cette nouvelle quasi miraculeuse a apaisé les débats à Gdansk, ville d’origine de Donald Tusk, leader de l’ultralibérale Plate-forme civique (PO), et principal rival des frères Lech et Jaroslaw Kaczynski pour le scrutin de dimanche. Le parti de ces derniers, Droit et Justice (PiS), remporte d’ailleurs ouvertement l’adhésion du syndicat Solidarnosc qui parvient ainsi à concilier une étiquette de syndicat qui se revendique de droite et certaines exigences sociales que le populisme du PiS a su faire siennes - dans ses discours uniquement. Andrzej Jaworski, le PDG des chantiers, se présente de son côté aux législatives sous les couleurs du PiS. Durant cette campagne, les dirigeants politiques ont su opportunément s’intéresser au sort des chantiers. D’où le regret de Boguslaw Zietek, président du syndicat Sierpien 80 et du Parti polonais du travail : « C’est le symbole qui a attiré l’attention sur Gdansk, mais en Pologne des restructurations comme celle-là, il y en a dans tous les secteurs, sans que cela ne préoccupe personne. »

 

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